Mektoub, My Love : Canto Uno

Analyse plurielle d'un film

Au service des films et des publics

Après le remarquable travail consacré au film d’Alain Guiraudie, Rester vertical, les étudiantes et étudiants du Master Cinéma et audiovisuel de l’Université Paul-Valéry Montpellier 3, se sont emparés de Mektoub, My Love : Canto Uno d’Abdellatif Kechiche. Irréfragable plus-value à la connaissance et à la compréhension de ce film, la production intelligente et sensible des étudiants se devait d’être valorisée afin d’être partagée avec le plus grand nombre.

Nous sommes heureux de participer à ce relais entre les films et les publics, priorité d’Occitanie films, qui se traduit en actions et projets, pensés et mis en place avec la Région Occitanie Pyrénées-Méditerranée, la DRAC Occitanie et le CNC. Toute l’année, nous attirons et accueillons des tournages, nous organisons des rencontres professionnelles, nous suscitons des projections de films et mettons en place des actions d’éducation à l’image. Nous sommes donc heureux lorsque des projets cristallisent ces missions.

C’est le cas de ce site dont la qualité des analyses, informations et réflexions reflètent l’investissement, la rigueur et la pugnacité des étudiantes et étudiants du Master Cinéma et audiovisuel, sous la direction de leurs enseignants Vincent Deville et Frédéric Astruc.

Que chacune et chacun en soit félicité et remercié.

Karim Ghiyati (Directeur d’Occitanie films)

Valentine Pignet (Responsable du développement et de la communication)

 

Apprécier, penser, critiquer… Approches plurielles d’un film

Comment, dans le cadre d’un projet pédagogique avec des étudiants, s’emparer d’un film qui divise, réalisé par un cinéaste qui suscite lui-même la polémique, et parvenir cependant à élaborer une pensée sur ce film, une pensée du film ? En s’efforçant, ainsi que le philosophe Marcel Conche nous y incite, à ne pas rabattre la pensée sur une croyance, sur une opinion ou sur une supposée conscience des choses. En s’appliquant et en s’évertuant à aller vérifier ce que l’on avance, à dépasser l’appréciation personnelle et circonstancielle, à affronter en somme les difficultés posées par l’objet de l’analyse. Pour tenter d’apprécier Mektoub, My Love : Canto Uno d’Abdellatif Kechiche, c’est-à-dire en premier lieu pour tenter de le percevoir, de le saisir par les sens, afin dans un second temps seulement d’en déterminer la valeur, l’importance ou les problèmes, il nous a fallu procéder par étapes.

Les étudiants de Master 2 Cinéma et audiovisuel parcours Recherche et ceux du parcours Métiers de la production réunis autour de ce projet ont commencé par la découverte du film lors d’une projection en salle, si indispensable à la saisie de l’œuvre – comme il est primordial de le rappeler alors que les salles de cinéma sont encore fermées au moment où j’écris ces lignes, en plein second confinement lié à la pandémie de Covid-19. Tout en prenant soin de ne pas organiser à ce moment-là de discussion ou débat, afin de laisser chacun repartir avec le film en tête, après quelques échanges informels entre les étudiants à la sortie de la salle, pour qu’un premier travail s’initie.

Dans un second temps, les moments de rencontre avec les proches collaborateurs du cinéaste ont été décisifs, permettant aux étudiants d’aborder le film sous un prisme inédit pour eux. En recevant Maria Giménez Cavallo, à l’époque jeune étudiante américaine fraîchement débarquée à Paris dans le seul but de travailler avec Abdellatif Kechiche, qui s’est rapidement retrouvée à prendre part à l’élaboration du projet et au scénario, au casting, pour devenir assistante mise en scène et enfin chef-monteuse du film, nous avons tout simplement pu bénéficier du plus précieux des témoignages, de la personne qui a suivi la fabrication du film au plus près pendant quatre années. Tout comme les acteurs Lou Luttiau et Shaïn Boumedine nous ont donné accès de l’intérieur à la « méthode Kechiche » et permis de mieux comprendre comment les exigences et les obsessions du cinéaste permettaient au spectateur d’accéder à cette impression rare de vie vécue. Marin Rosenstiehl, responsable du bureau d’accueil des tournages à Occitanie Films, nous a rappelé et confirmé en quoi, dans son mode de production et de fabrication, Mektoub, My Love : Canto Uno était un film absolument hors normes et totalement singulier dans le paysage du cinéma français contemporain, plaçant Abdellatif Kechiche dans la droite ligne de cinéastes aussi excessifs et intransigeants que John Cassavetes, Maurice Pialat ou Robert Bresson.

 

C’est après s’être posé des questions qui ont touché conjointement à la production, à la technique, à l’esthétique, à l’iconologie, à la filiation artistique, aux mœurs, à la société et à l’éthique, autant dire toutes les questions qui traversent un film au cours de sa fabrication, que les étudiants ont été en mesure de proposer une analyse plurielle si riche du film, qui nous donne l’occasion de revenir aujourd’hui sur cette œuvre avec un regard neuf et aiguisé, porteur d’une distance salutaire à l’égard des débats médiatiques. Pluralité aussi des modes de restitution des analyses, qui prennent la forme de textes, de présentations dynamiques multimédia, de vidéo-essais et de podcasts audio.

Pour mener à bien ce projet au long cours, initié en septembre 2019, il a fallu l’aide de nombreuses personnes, que je tiens ici à remercier : Karim Ghiyati, Marin Rosenstiehl et Valentine Pignet (Occitanie Films) en premier lieu, pour le soutien dans l’organisation et l’aide jusqu’à la publication de ce site ; Arnaud Clappier (Cinéma Utopia) pour la projection initiale ; Maria Giménez Cavallo, Lou Luttiau et Shaïn Boumedine pour leur disponibilité et leur générosité dans les rencontres et les échanges avec les étudiants, et tout particulièrement Chafik Laribia, qui les a facilités ; mon collègue Frédéric Astruc, qui a accompagné les étudiants dans le perfectionnement de leurs projets ; Céline Camus (coordinatrice), Clémentine Botta, Leila Reveret, Samuel Oster, étudiants du Master Métiers du livre et de l’édition, pour la mise en ligne du projet, ainsi que Corinne Saminadayar-Perrin, responsable de ce diplôme à l’Université Paul-Valéry Montpellier 3 ; Pietsie Feenstra et Sarah Hatchuel, responsables du Master 2 Recherche Cinéma et Audiovisuel, ainsi que Serge Lalou, co-responsable avec moi du Master 2 Métiers de la production Cinéma et Audiovisuel à l’Université Paul-Valéry Montpellier 3 pour leur soutien ; et enfin, bien sûr, les étudiants eux-mêmes, pour leur implication, leur exigence, leur professionnalisme et les passionnantes pistes d’analyse qu’ils ont soulevées.

Vincent Deville

Maître de conférences en Études cinématographiques

Co-responsable du Master 2 Métiers de la production cinéma et audiovisuel

Université Paul-Valéry Montpellier 3

Centre de recherche Rirra 21 (Représenter, inventer la réalité du romantisme au XXIe siècle)

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